- Par Julien Leroux
Il faut comprendre chaque tableau de Cécile Luherne comme l’émission d’un surplus intérieur, la mise en formes et en couleurs d’émotions vécues une nouvelle fois par la peinture, incarnées, transformées en affects offerts à d’autres subjectivités.
[C’est là, d’ailleurs, le pouvoir sublimatoire de l’art : donner corps à une pensée ou une intériorité, libérant l’artiste par l’objectivation de ces parts de sa subjectivité].
Cherchant à éviter l’aspect statique et figé d’une peinture qui deviendrait trop sage, l’artiste retrouve ici l’énergie vitale brute de ses œuvres spontanées (telle que «Chromatique», sa toute première abstraction). Elle change sa touche et son outil, privilégiant les gestes amples, les brosses larges, le mélange sur frais. Elle utilise ses remords pour créer de nouvelles textures à force de frottement, de grattage, d’essuyages laissant des traces et des remous que son pinceau retravaille promptement.
Un paysage nocturne et contrasté prend forme en volutes puissantes, suggérant un chaos intérieur, l’informe, une visualisation de l’immatériel. Et puis au centre, tel un embrasement fantastique ou une fleur de sang, la brosse de l’artiste impose la trace d’un geste décisif. Cette large forme centrale rouge sombre peut sembler d’une certaine violence, pourtant le regard s’y pose et s’y concentre avec fascination, comme on contemple un coucher de soleil extraordinaire à l’horizon.
Sur cette toile pouvant être perçue comme sombre et terrible, l’artiste exprime en réalité l’intensité de sentiments exaltants : la percée d’un horizon coloré et riche, où le cœur s’ouvre en toute liberté.
Libération du terrestre et du trivial, flamboiement, espoir déraisonné... Ce tableau est une éclosion de l’esprit, un rêve d’amour débordant, tout en portant dans sa rhétorique dramatique l’ombre de sa propre critique.
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