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Ça arrive à tout le monde

"Non, je suis désolée, je vais y aller... Je ne suis pas dans le mood... Je ne me voyais pas danser ce soir, pour être honnête".

Je fais la bise aux trois amis que j'avais rejoins dans ce bar restaurant élégant transformé en club bon enfant bonne humeur bonne énergie. Leur regard est compatissant et navré, un air que prennent tous mes amis ces jours-ci, quand je les quitte. "Prends soin de toi" me disent-ils, à l'oreille pour contrer le volume sonore adapté à la moyenne d'âge vieillissante de la clientèle de ce soir.

Je regrette de ne pas être assez insouciante et joyeuse pour me mêler aux gens qui dansent et chantent sur les longues tables arrangées à cet effet. Sans doute qu'à un autre moment, j'aurais aimé faire la folle sur des rythmes éculés ayant fait leurs preuves. Sans doute que dans quelques années, je serai l'une de ces femmes mûres décidées coûte que coûte à s'amuser, se défoulant avec une cuillère en bois en guise de micro et donnant tout ce qu'elles peuvent sous les néons, dans des tenues de soirée trop correctes, banales, classiques. Une machine à fumer parcimonieuse contribue à donner l'impression d'une soirée club Med Senior, ou comme l'a justement dit Sylvain, "d'une ambiance croisière". 

Je crois que ce qui me déprime dans ce tableau de gens qui pourtant s'amusent, c'est de deviner le nombre de solitudes et de vies abîmées, se rassemblant à presque 50 ans (voire plus), alors que le pire comme le meilleur sont derrière eux et que ne reste que le poids des jours qui s'enchaînent. Ils se changent les idées, profitent de la vie avec acharnement, loin de l'innocence crâneuse de leurs regrettées jeunes années mais forts d'avoir vécus des déceptions à même d'alimenter une remarquable capacité à s'en ficher pas mal. Ils s'amusent à perdre haleine. Le passé fait pleurer et l'avenir est triste ; mais le présent leur appartient. 

Vieillir, cela nous arrive à tous. C'est banal et dramatique, mais ça se vit comme on peut.

Les déceptions sentimentales, c'est pareil. Cela nous arrive à tous, c'est banal et dramatique, on les subit, et souvent on ne les voit pas du tout venir.


Toujours pas


Depuis que je suis en sursis de rupture amoureuse, j'ai réussi à ne pas trop sombrer dans le désespoir (enfin, si j'omets les trois premiers jours de la semaine, où l'incrédulité, le chagrin et probablement une légère anémie m'avaient plongée dans une apathie hyporexique, mais ça va mieux, je mange - n'importe quoi, pop corn, spéculoos, pâtes natures, amandes, omelette, clémentines - mais je mange). Pas trop de désespoir non, mais probablement tout le panel des émotions humaines, versant négatif. Impuissance, injustice, incompréhension, révolte, chagrin insurmontable, colère, rancœur, désillusion, manque, peine, auto-apitoiement, regret... Je rumine, je sanglote, je lui parle à voix haute, je me raisonne, je passe en revue ce qui me déplaisait. Je garde aussi en tête les bons avis de mes amis sincères : 

"Il ne cochait pas toutes les cases, toi-même tu te posais des questions, n'idéalise pas ce que c'était" ; 

"Changer de sentiments si vite, d'un extrême à l'autre, ce n'est pas preuve d'une grande maturité émotionnelle"; 

" De toute façon, tu te vois vivre avec quelqu'un incapable de communiquer ? C'est mort, il faut grandir un peu" ; 

"Si tu as pu trouver un tel amour grisant, cela t'arrivera encore" ;

ou, le classique mais efficace :

"Oublie-le, s'il te laisse tomber, c'est qu'il ne vaut pas la peine. Tu mérites mieux". 


Je gère, je gère


Mon fil Youtube me bombarde de vidéos de coaching amoureux et de soutien psychologique plus ou moins douteux sur le thème de la rupture, à me faire vomir. 

Non décidément, impossible de me forcer ce soir.

J'ai pleuré amèrement, lui ai écrit des lettres d'adieu, ai chassé en sanglotant les souvenirs de nos tendresses et premiers émois ; j'ai imaginé nos derniers regards, bientôt. Avec chaque fois un petit éclat au cœur. 

Et puis ce matin, je me suis levée en me disant d'un coup : "écoute ma vieille, c'est comme ça, il faudra bien que tu t'y fasses." 

Je fais mon deuil, quoi. 

Malheureusement pour moi, un temps gris et pluvieux comme celui de ce jour me porte toujours vers la mélancolie et l'absence de cet homme, sa disparition, plutôt, n'est pas faite pour arranger les choses. Je reprends peu à peu mes marques dans cette vie sans lui, mais il reste la tristesse. C'est comme une grande lassitude, une vague nausée de l'âme qui ne vous quitte presque plus. Tomber de si haut en si peu de temps ne suffit pas à me faire dés-aimer subitement quelqu'un qui fut une âme sœur bouleversante. C'est donc là le dernier sentiment qu'il me reste à chasser : l'amour. Ce sera plus long. 


Du bonheur fou à la détresse, une seule flèche


Quand on est capable de tant y croire, d'élan, de confiance et de vulnérabilité, c'est moche de se prendre soudain la porte. Qu'il soit déjà passé à autre chose dans son coin, dans sa tête ; qu'il ait repris son petit quotidien d'avant moi, entre amis, travail et passe-temps, son confort routinier de célibataire qui n'a plus à se soucier que de lui-même, me rend amère. Je vis des montagnes russes d'humeurs que lui n'a sûrement pas et surtout, il me manque. C'est terrible, le manque non partagé. C'est que l'amour est bel et bien un lointain souvenir. 

Il disait, "n'ont de profondeur que ceux qui ont souffert". Il disait, qu'il faut tout vivre et ne pas se retenir. Vivre des choses difficiles c'est vivre vraiment ; c'est ressentir, éprouver sa sensibilité, trouver des ressources en soi.

Je pense être assez profonde comme ça, merci. J'avais déjà assez morflé côté romances, je me serais bien passée d'un tel fiasco et de son déluge émotionnel. 

Je pense que je suis en bonne voie pour dans quelques années me retrouver en train de danser sur les tables d'un bar seniors-friendly, en me fichant complètement de ce dont j'aurais l'air et avec la pulsion désespérée de m'amuser dans le total oubli du reste... Je serai comme eux, forte de l'expérience répétée de la désillusion. Et sans doute que je m'amuserais beaucoup.

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