Par Julien Leroux
Premier élan vers l’abstraction, cette œuvre fait montre des principes et récurrences à venir dans la peinture de l'artiste. Le traitement brut, les couleurs se salissant entre elles et l’évidence de la trace, du pinceau, du geste, témoignent de la force libératrice en action dans ce premier tableau, révélateur d’une voie expressive personnelle.
«Chromatique» tient son titre au fait que la couleur impulse la composition. Comme pour une grande partie de ses tableaux ultérieurs, l’artiste se laisse guider par la peinture même. Chaque ajout conforte ou bouleverse un agencement chromatique et ces changements appellent d’autres ajouts, afin d’explorer plus avant les pistes visuelles et émotionnelles qui se dessinent ainsi au fur et à mesure.
Ici, le bleu sombre encadre un amas délicat de nuances enchevêtrées. Deux plages colorées dominent la composition : une zone claire, mangeant le bleu à gauche et s’élevant vers le haut ; l’autre sombre à droite, pesant vers le bas. Entre elles, les teintes s’enchevêtrent avec subtilité et recherche, comme un fourmillement vivant et bavard entre deux silences statiques, massifs. Les couleurs claires tempèrent et ouvrent l’espace de cette nuit de couleurs froides, insufflant vie et chaleur. Le rougeoiement saumon, ses rappels par petites touches, et l’ébauche de mauve en haut, réveillent ainsi une composition où dominent les tons froids et profonds d’indigo et de bleu sombre. Comme un liant dans les interstices, les couleurs intermédiaires se coulent avec onctuosité, apportant la fraîcheur du vert apaisant.
Ainsi que l’aube met face à face un court instant l’embrasement du ciel et les ombres suaves de la nuit, ce premier tableau de l’artiste préfigure les débuts de sa recherche d’un équilibre chromatique, d’une mise en tension de la matière picturale, pour peindre la subtilité des forces, des émotions, des fluctuations qui nous habitent.
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