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Laques

- Par Julien Leroux

Exploration de la couleur-matière, jeux de profondeurs : l’intention est ici portée sur les variations d’opacités et de transparences. La composition se veut sans tension, les masses informes prises dans un mouvement interne fluide.

La couleur bleue est souvent associée à l’idée de l’infini, de la profondeur ; Yves Klein l’avait choisie pour représenter l’immatériel et approcher l’infini. Bleus des eaux profondes ou des cieux, c’est la teinte la plus à même d’inciter à la méditation et au rêve.

Influencée par le YKB d’Yves Klein, dont les monochromes cherchent à dépasser la perception visuelle vers une plongée spiritualiste, l'artiste choisit le bleu pour une œuvre résolument abstraite, sans horizon ni formes évocatrices, si ce n’est la surface troublée d’une eau mystérieuse dans les épaisseurs de laquelle on pourrait deviner un monde étrange. On peut ainsi également songer à la série des Nymphéas de Claude Monet, certains tirant presque vers l’abstraction dans la représentation en gros plan de la surface de l’onde.

On croirait en effet contempler ici une eau sombre aux multiples reflets. Les transparences invitent le regard à s’absorber encore et encore dans les profondeurs de la couleur, à s’abîmer dans les jeux de textures et de matière. Endroits grattés, flous, fondus, chaque détail participe d’un mouvement uni dans lequel le regard voyage sans fin.

L’artiste affectionne les confrontations chromatiques pour structurer l’espace, comme ici avec cette couleur verte, comme fragmentée au premier plan. Sa teinte uniforme en tous endroits de l’œuvre et sa densité égale, opaque, en font l’indice d’un premier niveau avant le bleu, d’une surface avant l’épaisseur des ondes.

Le titre «Laques» comprend aussi un certain jeu de profondeur. Au son du mot, faisant d’emblée une association sémantique avec le tableau, on imagine le lac et ses eaux calmes, mouchetées de plantes aquatiques peut-être. Mais cette lecture est troublée par l’orthographe désignant non pas un lac mais la laque, cette matière translucide propre à créer un effet de profondeur, sorte de vernis organique, précieux, épais et d’une brillance onctueuse. L’artiste incite ainsi avec un clin d’œil à creuser davantage la surface de ce qui est donné à l’entendement, car le sujet du tableau est en premier lieu sa plasticité même. «Laques», au pluriel, pour une œuvre libre du piège descriptif, laissée ouverte aux impressions.



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